• Roms de Saint-Ouen : la fin du bidonville

     
    Les Roms attendent de lever le camp

     
     
     
    Le bidonville de Saint-Ouen va être rasé dans quelques jours...

    Des monceaux de détritus balisent l'entrée du camp. Les derniers occupants sont attablés ou regroupés autour d'une soupe. Du plus grand bidonville de France, plus de 600 Roms serrés dans des cabanes près du quartier des Docks, à Saint-Ouen (Seine-Saint-<wbr>Denis), ne subsistent qu'une centaine d'habitants.
     
     

    Constantin Cataline et sa famille (à droite). Photo © Vincent Michelon

     

     


    Depuis deux semaines, plus de deux cents personnes se sont envolées pour la Roumanie, acceptant l'aide au retour proposée par l'Etat (300 euros par personne,100 pour chaque enfant). Certains ont migré vers d'autres campements. Enfin, une vingtaine de familles sélectionnées doivent être relogées aujourd'hui au "village d'insertion"<wbr>, à quelques rues de là, toujours dans le quartier des Docks. Dans quelques jours, le bidonville sera rasé pour laisser place à un chantier de construction de HLM.

      24 : C'est le nombre de familles qui, sur les 150 qui occupaient le bidonville, vont être relogées aujourd'hui au "village d'insertion"<wbr>, à Saint-Ouen, dans le cadre d'un projet d'insertion sociale et
    professionnelle.

    "Nous restons en France"
    Les derniers occupants devraient bientôt se voir notifier une obligation de quitter le territoire. Pourtant, hier, aucun ne semblait sur le départ. "Pour l'instant, on attend", résume Gigi, un jeune homme de 17 ans qui vit en France depuis sept ans et qui a changé de campement "une quinzaine de fois". Jamais scolarisé, Gigi ne veut pas retourner en Roumanie. Comme d'autres, il attend l'évacuation du camp par la police. "Ils vont nous délivrer des obligations de quitter le territoire, explique-t-il. En réalité, on passe
    les douanes pour avoir un tampon sur le papier, puis on fait demi-tour."

    Assise à l'entrée d'une cabane, une adolescente ex­plique : "La police va venir, mais ma famille va rester là. Nous sommes dans ce camp depuis deux ans et nous restons en France". Des enfants scolarisés

    Constantin Cataline et sa famille, dont quatre enfants en bas âge, n'ont pas été sélectionnés pour le "village d'insertion"<wbr>. L'une de ses filles doit pourtant faire sa rentrée mardi dans une école de Saint-Ouen. "Nous avons une petite voiture. Mais il faudra une camionnette pour transporter toutes nos af­faires." Pour lui, les choses sont claires : la famille attendra le dernier moment pour quitter les lieux. Et se rendre, comme bien d'autres, dans l'un des nombreux campements éparpillés dans le dé­partement.
     
    Vincent Michelon Vincent Michelon, le 31/08/2008

    <script type=text/javascript></script> Metrofrance.com, à Paris

     
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    Fin du plus grand bidonville de France
     
     
     

    LOGEMENT. L'État évacue le camp rom de Saint-Ouen (Seine-Saint-<wbr>Denis). Seulement 24 familles sont concernées par le projet d'insertion

    Assis au soleil, les hommes continuent à jouer aux cartes. Pourtant, d'ici quelques jours, le plus grand bidonville de France ne devrait plus être qu'un tas de gravats et de déchets. Depuis deux ans, près de 650 Roms occupent ce terrain situé à Saint-Ouen, en Seine-Saint-<wbr>Denis, dans le quartier des docks
    en plein réaménagement. La ville de Paris, propriétaire du terrain, et celle de Saint-Ouen ont signé un accord pour y construire des logements sociaux. Indésirables, les Roms sont donc priés d'aller voir ailleurs. Vingt-quatre familles ont été sélectionnées par la DDASS pour intégrer un « village d'insertion ». Les autres sont invitées à quitter la France.

    Sur les 633 personnes occupant ce plus grand terrain vague de France, une centaine est déjà partie pour la Roumanie, jeudi dernier, dans un car affrété par l'ANAEM (Agence nationale d'accueil des étrangers et des migrations), qui rétribue ces « retours volontaires » 300 euros par adulte.
    Demain, un deuxième départ devrait compter à nouveau une centaine de Roms. Ceux qui refusent ces retours recevront une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Quant aux rumeurs d'une expulsion du camp par les forces de police prévue demain, Paul Planque, premier adjoint du maire
    de Saint-Ouen, se veut rassurant : « Nous ne sommes pas du tout dans une phase d'expulsion. »

    Échaudées, de nombreuses familles ont déjà quitté le bidonville pour d'autres terrains. À côté des baraques de fortune en tôle, l'ancien immeuble d'EDF est déjà pratiquement désert. Au premier étage, la famille Covaciu se fait discrète. Les parents et leurs quatre enfants sont parmi les chanceux qui
    emménageront dans le « village d'insertion ». Situé rue de Clichy, toujours dans la zone des docks, ce terrain accueillera d'abord des caravanes aménagées, puis, d'ici huit mois, 25 mobil-homes. « Quand on m'a appris la bonne nouvelle, j'ai pleuré de joie, raconte la maman, Violeta. C'est vraiment bien pour mes enfants. » Les enfants seront scolarisés, et les parents accompagnés vers des métiers autorisés. La mère voudrait faire des ménages, le père, travailler dans la restauration. Jusqu'à présent la
    famille vivait de vente de ferraille et de mendicité.

    À l'intérieur du bidonville, les sélections suscitent jalousies et incompréhensions. « Pourquoi eux et pas nous ? », gronde un jeune homme dont la famille n'a pas été sélectionnée. Sa petite soeur, Bianca,
    8 ans, est pourtant, de l'avis de tous, une élève modèle. « Elle ne ratait jamais un jour d'école », souligne Coralie Guillot, de l'association Parada, qui s'inquiète pour le parcours scolaire de la fillette : « Bianca aurait dû rentrer en CE1 dans quelques jours, sa scolarité, pourtant bien partie, peut être brisée. » Sur les 94 familles ayant déposé une candidature, seules 24 ont été sélectionnées au regard de plusieurs critères : maîtrise de la langue française, effort de scolarisation des enfants et capacité à
    travailler dans l'un des 62 métiers ouverts aux Roumains et aux Bulgares depuis janvier 2007. Sept autres familles avec des problèmes de santé seront prises en charges. « Il faut que ce type de village d'insertion reste à taille humaine pour que l'insertion fonctionne », souligne le sous-préfet
    Olivier Dubaut. Dans des projets similaires, seules 21 familles ont été sélectionnées à Saint-Denis, et 18 à Aubervilliers. « C'est la moins mauvaise des solutions », soupire Paul Planque qui appelle à une conférence régionale : « L'hébergement des Roms ne peut pas être de la seule responsabilité des villes. Il faut une vision à l'échelle régionale, surtout quand l'Île-de-France est la région la plus riche d'Europe. »

    Marie Barbier pour L'Humanité, en date du 28/08/2008



    « 6 000 Roms dans la détresse »

    Malik Salemkour est vice-président de la Ligue des droits de l'homme et membre du collectif Romeurope
    L'évacuation du plus grand camp roms signe-t-elle un tournant ?

    Malik Salemkour. Il s'agit d'une nouvelle étape de la politique de l'État qui accompagne certaines familles et expulse les autres. Ce n'est pas nouveau, on a déjà vu ça à Saint-Denis et Aubervilliers. À Saint-Ouen, les cris d'alerte des associations et des familles ont enfin été entendus. Sauf qu'il n'y a que 24 familles élues sur 100. Les autres sont invitées à quitter le terrain, voire le territoire. Mais ces ressortissants européens, qui ont un projet de vie en France, reviennent forcément et dans des délais
    très courts.

    Quelle est la situation des Roms en France ?

    Malik Salemkour. Les 6 000 Bulgares et Roumains vivant ici sont pratiquement tous dans la détresse. Ce sont les boucs émissaires de l'État. Au lieu de répondre à l'égalité des droits européens, on les traite comme des citoyens de seconde zone. L'État est trop répressif, pas assez dans l'examen individuel.

    La moitié vit en Seine-Saint-<wbr>Denis. Comment l'expliquez-<wbr>vous ?

    Malik Salemkour. Avec ses friches industrielles et ses terrains vagues, ce département accueille beaucoup de mal-logés. Contrairement à d'autres comme les Hauts-de-Seine, l'expulsion n'y est pas immédiate. Ils peuvent y survivre.

    Que pensez-vous des villages d'insertion ?

    Malik Salemkour. C'est une solution transitoire acceptable pour répondre à l'urgence de l'indignité des bidonvilles et remettre ces personnes dans le droit de l'habitat. Mais ça ne peut pas être durable, comme les cités de transit qui ont duré des années. Leur première demande est de s'intégrer, d'accéder à des logements de droit commun et à un emploi, de sortir du régime transitoire de la Roumanie et de la Bulgarie (les Bulgares et les Roumains ne peuvent accéder en France qu'à 62 métiers - NDLR).

    Propos recueillis par M. B. pour L'Humanité, en date du 28/08/2008
     
     
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