Comment j'ai perdu un ami et une cause m'a gagné

La vie ne vaut rien, rien

Mais rien ne vaut la vie

(Alain Souchon)

           Nous voila quelques quinze années en arrière. J'avais un ami que je visitais régulièrement comme une coutume née de l'habitude.

Nous avions eu ensemble les idées nobles communes aux étudiants trempés dans les livres, humides des écrits des grands penseurs. conjugués nos espoirs en la vie future, nos déroutes du passé brisé. Nous nous réfugions dans les livres, dans les films, univers parallèles et oniriques à nos mesures.

Au détour de nos conversation un jour, vinrent les gitans. Je ne me souviens plus comment P. les nommait : gens du voyage, tsiganes ou manouches, ma mémoire me fait défaut. P. qui aimait beaucoup la nature et l'idéalisait me dit :

- Ils détruisent tout, ils salissent tout. C'est vraiment la lie de l'humanité. Tu n'as qu'à voir après leur passage, c'est un monceau d'immondices. Je suis allé ramasser les ordures une journée avec l'association (...). C'est fou ce que les gens jettent...

(bien sûr les mots exacts sont oubliés mais c'est la substance que je restitue)

- Comment, que dis-tu ? C'est bien toi que j'entends, P. ? Les Gitans sont moins polueurs que beaucoup d'industries ; tu ne te rends pas compte des poluants rejetés par les industries ? Effectivement, les dechets des Gitans sont plus voyants. Mais lesquels sont les plus dangereux ?

- C'est vraiment des bons à rien et ils n'ont rien à foutre de la journée me retourna P., pêcheur émérite reconnu. Je les vois encore déverser des immondices dans l'eau. Il faudrait leur interdire...

C'est  moi qui était interdit tout à fait. Ainsi donc mon ami était devenu (?) adulte bon teint. Comme ceux que l'on blâmait à l'école, il condamnait de manière aveugle.

Mais le paroxisme fut atteint un autre jour quand il me confia à demi-mot que "les idées de Le Pen n'était pas tout à fait idiotes".

Non, P. pas toi !