• Et le gagnant du concours 2009 est....

     

    Le résultat du grand concours Fils du vent sans pays

    Grand concours 2009 Tsiganes et Voyage



     

     

    " Vécu ou imaginaire. Évoquez votre relation avec votre grand-mère, votre grand-père, ancien(ne) Voyageur(geuse). "



    Une image de maizagatti sur Imageschak







    Le gagnant est... une gagnante. Grand bravo à elle !!!!! Sourire


    Il s'agit de C. BOURDAIS qui très tôt nous avait envoyé son histoire :



    Le cœur tisse une mémoire, bien avant son histoire …<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    <o:p> </o:p>

    Mon grand malheur, celui d'avoir les yeux de ma grand mère et de ma tante Juliette. <o:p></o:p>

    Je revois la dernière sur le balcon échevelée et ivre au beau milieu d'un jour de noël où l'on avait rassemblé les corps mais où les esprits noyés de vin se gorgeaient de départs avortés et de chansons idiotes. <o:p></o:p>

    Disséminant les cendres de sa cigarette dans sa sombre crinière dénouée, accrochée titubante à la rambarde givrée, Juliette avait levé les yeux au ciel avant de m'avouer comme on crache par terre le tréfonds de ses blessures intestines : <o:p></o:p>

    « Il me le dit tous les jours qu'il m'aime, ah oui je t'aime il ne sait dire que ça. Qu'il est heureux, le plus heureux du monde même... mais moi je m'emmerde, qu'est-ce que je m'emmerde... » Sa voix ne chevrotait pas, pas une larme ne dépassait la commissure des cils... Le vent chantait la sonate de nos errantes racines similaires. <o:p></o:p>

    « Un jour je repartirai » Il y avait juste ces deux billes noires qui sortaient presque de ses orbites pour caresser avidement le ruban des routes rescapées d'une mémoire profonde, avant de me fixer avec une résolue détresse : « T'as déjà entendu parler des Messy ? » « Oui » <o:p></o:p>

    Je lui avais répondu soulevée par la mélodie inavouable que mes vagabondages avaient fini par attraper comme une grippe. Alexandre Cesar Messy roi des forains, bien sûr que j'en avais entendu parler si peu cependant assez pour faire rêver les enfants en mal d'air, il ne restait dans le bureau de mon père qu'un article de journal sentant le renfermé qu'il avait conservé dans une pochette avec les lettres d'amour de ma mère et deux poèmes rêvant de s'envoler. « A son enterrement, il y avait autant de monde que pour celui d'un ministre » m'avait il dit en brandissant fièrement la photo de l'aïeul aux moustaches imposantes, au chapeau de prestidigitateur.« Il faisait monter sur les manèges tous les enfants pauvres gratuitement » C'était un grand son arrière grand père, Je n'ai jamais su d'où il venait ni où on avait mis sa sépulture. Son histoire avait bercé mon père lors de sa tumultueuse enfance où ma grand-mère l'avait confié à sa sœur pour qu'il apprenne la vie sur les manèges. Je ne sais rien de ce temps. Il me raconte toujours la même histoire: Un jour, il avait mangé tout le sucre stocké dans la roulotte prévu pour les confiseries et pour le punir son oncle l'avait fait s'agenouiller sur les rebords du manège en ferraille, ça l'avait marqué et aussi il avait une petite moto rouge qui était sa préférée du manège. Le reste je le devine quand il me dit que je suis une Messy. Et c'est tout. On ne parle pas beaucoup quand on est tous les deux et j'ai la gorge serrée quand je parle de lui. <o:p></o:p>

    A cette époque ma grand-mère élevait les cinq premiers aux cités où elle avait élu domicile comme une cigogne après l'incendie de chez sa belle mère. Personne n'avait encore réussi à la déloger de ce refuge dont elle avait un besoin animal. <o:p></o:p>

    Et elle l'a aimé sa maison, y a brodé des canevas, y a cassé des assiettes, y a fait des bugnes*, y a fait des fêtes, y a fait douze enfants et y règne encore sur la rue des Sept fontaines. <o:p></o:p>

    Mémé Nenette j'ai l'impression que la vie ne la mangera jamais. Elle tombe malade bien sûr, comme toutes les vielles, mais il y a comme à chaque fois quelque chose qui la retape, un nouvel arrière petit enfant, la visite d'un fils perdu de vue et ses yeux se remettent à luire sur son visage amaigri aux rides de chef indien. Quand ma route passe pas loin de sa ville je m'arrête quelques heures chez elle, et j'ai la sensation qu'on sait l'une de l'autre bien plus que ce que l'on daigne se dire « T as raison ma fille de voyager. Profite. Avant j'étais comme toi » qu'elle me chante sans me toiser. C'est la seule à ne pas me faire sentir qu'à mon âge, il serait peut-être temps de mettre bas et de me poser. J'aimerais qu'elle me raconte encore, qu'elle ouvre pour moi le livre des origines afin que je comprenne mieux cette fièvre du mouvement qui me possède, que je l'interprète autrement que comme une déviance ou une instabilité psychologique. Il y a bien un soir où elle m'avait légué par quelques gorgées de souvenirs rescapés, obtus et comptés sans détails. Assez pour reprendre la route. <o:p></o:p>

    Son père mort dans une course de voiture en Espagne, suivi quelques années plus tard par son frère sur une attraction baptisé sans boniment « la descente de la mort » où beaucoup de forains avaient rendu l'âme avant eux. <o:p></o:p>

    Comment elle n'avait pu supporter le joug de son beau père, un homme dur, euphémisme dans sa bouche, qui l'avait précipité en cavale sur les routes d'entre deux guerres, accompagnée de son amie Jeannine. Comment elle avait finalement repris le manège pour croiser un beau joueur mon grand père qu'elle avait suivi sans doute par amour mais aussi pour fuir <st1:personname productid="la famille. Sa" w:st="on">la famille. Sa</st1:personname> mère avait maudit cette union. J'aurai dû l'écouter me disait-elle souvent, et je revoyais ses deux billes noires, les mêmes que sa mère distribuant tendresse et haine sur l'assemblée aux repas familiaux où deux rallonges ne suffisaient pas à loger tout le monde. Mon grand père s'y faisait régulièrement fusiller du regard. Et pourtant elle en avait fait de l'usine pour lui, elle en avait fait passer aussi dans ses bottes des messages de la résistance, elle en avait fait de la route aussi pour le dénicher dans les bras d'une autre. <o:p></o:p>

    Et elle portait son deuil fièrement, n'avait plus jamais dit du mal de lui une fois six pieds sous terre. <o:p></o:p>

    « Ils verront eux tous un jour quand je serais plus là » (eux tous ce sont les oncles et les cousins qui remplissent encore les pièces restantes). « Un jour je ne dirai rien à personne et je partirai » me dit elle souvent. La dernière fois elle a cherché dans sa boîte à chaussures à trésor et m'a donné une photo en noir et blanc sur laquelle trônait la roulotte de sa mère. <o:p></o:p>

    « Et qu'est-ce qu'elle est devenue? » « Vendue, donnée, je sais pas bien » ... « On peut pas être et avoir été» (c'est sa nouvelle expression). Je l'ai mis bien au chaud dans ma poche et puis je l'ai donné à mon père cette photo, pour être sûre de ne pas la perdre. <o:p></o:p>

    Mon grand malheur et mon grand bonheur celui d'avoir les yeux de ma tante Juliette, de ma grand mère, de sa mère et du père de sa mère Alexandre César Messy roi des forains.


    Ailleurs tinte ce soir insaisissable <o:p></o:p>

    Soufflé comme un fantôme de manège<o:p></o:p>

    Ta grande roue est devenue soleil <o:p></o:p>

    Au palais des mille et unes merveilles

    <o:p></o:p>

     

    Mais quel air a t'il porté ta poussière <o:p></o:p>

    Mais quelle terre a elle mangé ta chair<o:p></o:p>

    Ta grande roue est devenue soleil <o:p></o:p>

    Au palais des mille et une merveilles

     


    Se dissout la chair de ta chair <o:p></o:p>

    Dans les affres du temps vain trop amer<o:p></o:p>

    Ta grande roue est devenue soleil <o:p></o:p>

    Au palais des mille et une merveilles

     


    Pour les uns prisonniers volontaires<o:p></o:p>

    Pour les autres un souvenir qui erre<o:p></o:p>

    Ta grande roue est devenue soleil <o:p></o:p>

    Au palais des mille et une merveilles



    J'irai vers le rivage orange<o:p></o:p>

    Où l’ancêtre traîne une cariole étrange<o:p></o:p>

    Tout autour de la Terre




    * Bugnes : pâtisseries d’hiver, genre de beignets de la région lyonnaise (fantaisies, merveilles, roussettes)<o:p></o:p>

    http://www.forums.supertoinette.com/recettes_17690_15.faites_vous_des_desserts_pour_mardi_gras_ou_carnaval.html <o:p></o:p>

    http://birmania-and-co.forumactif.com/les-recettes-des-petits-plats-cuisines-avec-amour-f32/bugnes-seches-ou-briochees-t3223.htm <o:p></o:p>






    Bravo mademoiselle ou madame ! Vous recevrez prochainement les récompenses dues. Et, pour les autres plus malheureux, une petite surprise tout de même ! Merci à tous d'avoir participé. D. Toulmé, administrateur





    Liens :

    * Le
    règlement complet du Grand Concours 2009 Tsiganes et Voyage : http://filsduvent.kazeo.com/?page=article&ida=485713

     

     

    * La rubrique poésie nomade sur le site des Fils du vent sans pays : http://filsduvent.kazeo.com/Poesie-nomade,r101563.html

    « Insignes des Tsiganes dans les campsLes m'neux d'loups dans la Sologne d'antan »
    Partager via Gmail Yahoo! Google Bookmarks Blogmarks

    Tags Tags :
  • Commentaires

    3
    allo01
    Vendredi 26 Février 2010 à 13:18
    Une bien belle histoire, mon arrière grand-père Jules César Messy, roi des forains, je ne connaissais pas le nom d'Alexandre? ou ma nièce a été le trouver?. oui car je suis Juliette (la tante aux grands yeux). Bravo Caroline
    2
    Caillie Profil de Caillie
    Mercredi 15 Avril 2009 à 19:04
    bonjour Estelle,

    Merci pour ta collaboration fructueuse. Tu es l'une de mes muses.

    Bonne fin de semaine. Tchoums. El Bero
    • Nom / Pseudo :

      E-mail (facultatif) :

      Site Web (facultatif) :

      Commentaire :


    1
    Estelle
    Mercredi 15 Avril 2009 à 17:50
    bonjour Estelle,

    Merci pour ta collaboration fructueuse. Tu es l'une de mes muses.

    Bonne fin de semaine. Tchoums. El Bero
    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :