• Les Tziganes en Alsace au début du XVe siècle

     

     

     

    Les Tziganes

     

    Nos plus anciens historiens d'Alsace ont noté avec plus ou moins de détail, dans leurs chroniques, la première apparition en Alsace, dès 1418, des Tziganes (Zigenner ou Zigänner). Ces récits, tout en étant historiques, contiennent bien des choses purement légendaires. Il y en a deux dont la place est ici tout indiquée.

    Trausch écrit, dans sa Chronique strasbourgeoise manuscrite :

    " Cette année (1418), arrivèrent à Strasbourg et dans le pays les premiers tziganes. Il y en avait 14 000 répandus de côté et d'autre. Ils disaient que, tous les sept ans, une tribu devait s'expatrier et faire pénitence, parce qu'ils n'ont pas voulu donner asile à Notre-Dame la Sainte-Vierge. (Ils descendaient des Égyptiens qui n'avaient pas voulu loger les parents de Jésus lors de leur fuite en Égypte.) Ils étaient d'Epirus (l'Épire) ; le peuple disait de l'Égypte mineure. Ils ne manquaient pas d'argent, payaient tout, ne faisaient de mal à personne, parcouraient tous les pays. Leur chef se nommait le duc Michaël, avait cinquante chevaux avec lui. Après, on n'en a plus revu pendant cinquante ans. Mais, depuis, beaucoup de mauvais drôles ont fait beaucoup d'entreprises analogues, mais il n'y avait que supercherie de leur part. Aventinus écrit qu'ils étaient les traîtres du Turc. "

        Voici le passage de Münster, d'après une édition de sa Cosmographie (Bâle, 1550) :

        " Quand on comptait, depuis la naissance du Christ, mille quatre cent et dix-sept, on a pour la première fois vu les Tziganes, vilain peuple noir, sauvage et sale, qui aime beaucoup à voler, surtout les femmes, qui aident ainsi leur mari. Ils ont avec eux un comte et quelques chevaliers qui sont très bien vêtus et respectés par eux.Ils ont avec eux quelques lettres et sceaux de l'empereur Sigismond et d'autres princes, leur donnant droit de libre passage dans les villes et les campagnes. Ils prétendent que c'est une pénitence à eux imposée, d'errer ainsi en pélerins, et qu'à l'origine ils sont venus d'Egypte mineure. Mais ce sont des fables. On a bien appris que ce peuple étranger est né d'humeur vagabonde ; il n'a pas de patrie, parcourt le pays sans travailler, se nourrit de rapines, vit comme les chiens, est sans religion, quoiqu'il fasse baptiser ses enfants parmi les Chrétiens ; ils vivent insouciants, courent de pays et reviennent au bout de quelques années. Ils se répartissent en groupes nombreux et varient leurs itinéraires. En tous pays, ils acceptent tous ceux, hommes, enfants ou femmes qui veulent aller avec eux. C'est un peuple étrange et sauvage. Ils savent beaucoup de langues et sont une plaies pour les gens des campagnes. Quand les malheureux villageois sont aux champs, ils fouillent leurs maisons et prennent ce qui est à leur convenance. Leurs vieilles femmes se mêlent de dire l'avenir ; et, tout en répondant aux gens qui leur demandent combien ils auront d'enfants, de maris ou de femmes, elles portent leurs mains merveilleusement agiles à leurs poches ou à leurs bourses, et les vident sans que ceux à qui cela arrive s'en aperçoivent."

        " A moi, Münster, il est arrivé, près de Heidelberg, il y a de cela quelques années, de causer avec eux à  Eberbach. J'ai obtenu de leur chef qu'il me laissât lire une lettre dont il se vantait ; et c'était un " Vidimus " (autorisation avec visa) qu'ils auraient obtenu de l'Empereur Sigismond à Landau ; il y était dit comment leurs ancêtres, en Égypte mineure, avaient pendant quelques années renié la foi chrétienne ; lors de leur nouvelle conversion, la pénitence leur avait été imposée de courir les terres étrangères et de faire pénitence aussi longtemps qu'ils avaient vécu hors de la foi. Mais d'après ce qui ressort de la lettre, le temps de leurs courses vagabondes serait, depuis bien des années, écoulé, mais ils sont toujours errants et se nourrissent de vols, mensonges, tromperies et prédictions. Comme je leur reprochais cela, ils m'ont répondu que les chemins leur étaient fermés, qu'ils ne pouvaient rentrer dans leur patrie, quoique le temps de leur pénitence fût passé.

    Comme je discutais encore, remarquant que la lettre disait qu'ils devaient faire pénitence, qu'ils n'en faisaient rien puisqu'ils avaient des affaires de femmes et volaient les gens, ils ont répondu qu'ils n'avaient rien d'autre à faire. "

    Rapporté par Auguste Stoeber dans Contes populaires et légendes d'Alsace, Presses de la Renaissance, 1979.

     

    Liens :

    * Un regard ancien, plus dégradant encore à l'encontre des Tsiganes, celui de Francisque Michel (1864 et 1867) : http://filsduvent.oldiblog.com/?page=lastarticle&id=1527060

    * Bohémiennes diseuses de bonne aventure, tireuses de cartes, cartomanciennes : http://filsduvent.oldiblog.com/?page=lastarticle&id=1660899

    * Des exemples de l'hospitalité tzigane : Jan Yoors adopté pour le voyage , Hakkini Bougouri roman de A.-L. Lally,

    * Tziganes fainéants, un conte au temps des moissons : http://filsduvent.oldiblog.com/?page=lastarticle&id=808182

    mais encore la page ici plus générale: http://filsduvent.oldiblog.com/?page=lastarticle&id=282041

    * Des Tsiganes sales et mal habillés : http://filsduvent.oldiblog.com/?page=lastarticle&id=316615

    * Voleurs de poules, les Gitans : http://filsduvent.oldiblog.com/?page=lastarticle&id=276955

    « La fête tzigane spontanée en YougoslavieLe désoeuvrement chez les Tsiganes »
    Partager via Gmail Yahoo! Google Bookmarks Blogmarks

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :