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    Tzigane ou Tsigane

     

    En France,

    Le mot tzigane, orthographe officielle, est plutôt employé pour la musique, le folklore. C'est la version populaire du mot.

    En revanche, lorsque l'on emploie l'adjectif tsigane, on est dans le social, les racines. Les universitaires, les docteurs, les savants ne jurent que par ce mot. (ce n'est pas vrai d'après Wikipédia, comme on peut le lire ci-dessous ; alors il faudrait ajouter "éclairés" après "savants").

    Essayez à votre tour, comme moi faites-donc une recherche dans Google...

     

       " Le français connaît deux orthographes du mot : Tzigane et Tsigane. Les Tziganes préfèrent le S au Z, ce dernier évoquant trop douloureusement le Z (pour Zigeuner) tatoué par les SS dans les camps de concentrations; cependant, l'usage du Z est plus courant en français, et recommandé par l'Académie française. " 

    Encyclopédie Wikipédia

    Contredit par Bertrand Solé dans son ouvrage Mille ans de contes tziganes, Milan, 1997.

    " Lors de leur passage dans les camps d'extermination nazis, les Tsiganes ont été tatoués sur le bras d'un Z majuscule, (initiale de Zigeuner, Tsigane en allemand). Le "z" utilisé par certains depuis, l'est en mémoire des morts. "

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     Le carnet anthropométrique "Nomade"

     

     

    Au XIXe siècle, le développement progressif des documents d’identité permet de contrôler et encadrer les catégories sociales stigmatisées comme dangereuses : criminels, nomades puis étrangers se trouvent ainsi séparés du reste de la population par des "frontières de papier".

    L’anthropométrie est une technique d’identification des personnes mise au point à la fin du 19è siècle pour les institutions policières puis judiciaires et pénitentiaires. Elle s’appuie sur une série de mesures du corps humains, sur le relevé de marques physiques particulières et visait à l’identification des criminels. Elle va ensuite servir à l’identification et à la catégorisation de groupes d’individus qui vont être ainsi stigmatisés comme dangereux. Cela va être le cas des populations dites "nomades" avec la mise en place du carnet anthropométrique en 1912.

    Les carnets anthropométriques d’identité comportaient des renseignements très précis sur les individus : nom, photo de face et de profil, empreintes digitales, mesure du corps, de la tête et de l’iris, état civil, généalogie, profession, etc.
    Au-delà de ces informations servant à l’identification des personnes, ces carnets servaient aussi à la surveillance des personnes : ils comprenaient également les visas des autorités à l’arrivée des "nomades" dans une commune et à leur départ. Or les arrêtés municipaux interdisaient un stationnement de plus de 48h ce qui fait que de 1912 à 1969 les "nomades" devaient faire viser leurs carnets par l’administration toutes les 48h.

    Autre aspect contraignant des carnets anthropométriques, ils étaient collectifs et concernaient tous les membres d’une famille qui n’avaient pas le droit de s’éloigner les uns des autres : au-delà de la surveillance individuelle des personnes le carnet conditionnait la vie du groupe.


    En 1969, le carnet anthropométrique d’identité devient carnet de circulation : les carnets sont encore visé mais tous les trois mois.

     

    Copié sur https://www.histoire-immigration.fr/collections/le-carnet-anthropometrique-d-identite-nomades, en date du 22 décembre 2019

     

     

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    Décret du 16 février 1913 portant réglementation publique pour l’exécution de la loi du 16 juillet 1912 sur l'exercice des professions ambulantes et la réglementation de la circulation des nomades (extraits)

    Source :  Bulletin officiel du ministère de l'intérieur, février 1913, pages 79-82

     

    Art. 7. Tout individu réputé nomade dans les conditions prévues à l'article 3 de la loi du 16 juillet 1912 doit déposer à la préfecture ou à la sous-préfecture de l'arrondissement dans lequel il se trouve une demande à l'effet d'obtenir un carnet anthropométrique d'identité.
    Il est tenu de justifier de son identité.
    Il doit, pour le département de la Seine, adresser sa demande à la préfecture de Police.

    Art. 8. Le carnet anthropométrique porte les noms et prénoms, ainsi que les surnoms sous lesquels le nomade est connu, l'indication du pays d'origine, la date et le lieu de naissance, ainsi que toutes les mentions de nature à établir son identité.
    Il doit, en outre, recevoir le signalement anthropométrique qui indique notamment la hauteur de la taille, celle du buste, l'envergure, la longueur et la largeur de la tête, le diamètre bizygomatique, la longueur de l'oreille droite, la longueur des doigts médius et auriculaires gauches, celle de la coudée gauche, celle du pied gauche, la couleur des yeux  :  des cases sont réservées pour les empreintes digitales et pour les deux photographies (profil et face) du porteur du carnet.
    Tout carnet anthropométrique porte un numéro d'ordre et la date de délivrance.
    Il n'est pas établi de carnet d'identité pour les enfants qui ont pas treize ans révolus

    Art. 9. Indépendamment du carnet anthropométrique d'identité, obligatoire pour tout nomade, le chef de famille ou de groupe doit être muni d'un carnet collectif concernant toutes les personnes rattachées au chef de famille par des liens de droit ou comprises, en fait, dans le groupe voyageant avec le chef de famille. Ce carnet collectif, qui est délivré en même temps que le carnet anthropométrique individuel contient  : 
    1°) L'énumération de toutes les personnes constituant la famille ou le groupe et l'indication, au fur et à mesure qu'elles se produisent, des modifications apportées à la constitution de la famille ou du groupe.
    2°) L'état civil et le signalement de toutes les personnes accompagnant le chef de famille ou de groupe, avec l'indication des liens de droit ou de parenté le rattachant à chacune de ces personnes;
    3°) La mention des actes de naissance, de mariage, de divorce et de décès des personnes ci-dessus visées;
    4°) Le numéro de la plaque de contrôle spécial décrit à l'article 14 du présent décret;
    5°) Les empreintes digitales des enfants qui n'ont pas treize ans révolus;
    6°) La description des véhicules employés par la famille ou le groupe;
    Le carnet collectif indique les numéros d'ordre des carnets anthropométriques délivrés à chacun des membres de la famille ou du groupe

    Art. 10. Il est établi dans les préfectures et sous-préfectures des notices individuelles et collectives contenant toutes les indications figurant aux carnets visés ci-dessus. Un double de chaque notice est adressé au ministère de l'Intérieur.

    Art. 11. En cas de perte du carnet anthropométrique d'identité ou du carnet collectif, le titulaire fait immédiatement une déclaration de perte à la préfecture ou à la sous-préfecture de l'arrondissement où il se trouve. Un récépissé provisoire lui est aussitôt remis  :  ce récépissé tient lieu de carnet jusqu'à ce qu'il lui ait été délivré un nouveau carnet ou qu'il lui ait été notifié le refus de carnet, sans que ce délai puisse excéder trois jours. Le nouveau carnet qui peut être délivré, si les justifications produites par le demandeur sont suffisantes, porte la mention "duplicata".

    Art. 14. La plaque de contrôle spécial prescrite par l'article 4 de la loi du 16 juillet 1912 est apposée à l'arrière de la voiture d'une façon apparente. Elle doit mesurer au moins 18 centimètres de hauteur sur 36 de largeur, porter un numéro d'ordre en chiffres de 10 centimètres de hauteur, l'inscription "loi du 16 juillet 1912" et l'estampille du ministère de l'intérieur.
    Elle est délivrée par les préfectures et les sous-préfectures dans les mêmes conditions que les carnets d'identité.
    Dans le cas où cette plaque serait délivrée postérieurement au carnet collectif, mention doit en être faite sur ce carnet et avis en est donné au ministère de l'intérieur.
    En cas de perte de la plaque, le chef de famille ou de groupe fait immédiatement une déclaration de perte à la préfecture ou à la sous-préfecture de l'arrondissement dans lequel il se trouve. Un récépissé de la déclaration lui est délivré. Cette pièce devra être restituée au moment de la remise de la nouvelle pièce.
    En cas de vente ou de destruction de la voiture, le chef de famille ou de groupe doit en faire la déclaration à la préfecture ou à la sous-préfecture de l'arrondissement dans lequel il se trouve. S'il remplace immédiatement la voiture vendue ou détruite, la plaque dont celle-ci était munie est apposée sur le nouveau véhicule, dont la description est portée sur le carnet collectif, conformément aux prescriptions de l'article 9 du présent décret.
    Si le chef de famille ou de groupe ne remplace pas immédiatement la voiture vendue ou détruite, il doit déposer la plaque à la préfecture ou à la sous-préfecture. Mention de la suppression de voiture et du dépôt de la plaque est faite au carnet collectif.
    Les préfectures et les sous-préfectures signalent sans retard au ministère de l'Intérieur les déclarations de pertes de plaque sur les nouveaux véhicules.

    Art. 16. Un délai d'un mois à dater de la publication du présent décret, est accordé aux individus exerçant un métier ambulant, aux commerçants et industriels forains, aux nomades pour se conformer aux prescriptions qui précèdent.

     

    Bertillon - suspect Fiche anthropométrique signalétique n° 12 de Moulin/Dazin 1894/1898      

          Le carnet anthropométrique, dans lequel figurait toute la composition de la famille et qui devait être validé à chaque déplacement, a été supprimé en 1969... pour être remplacé par " un titre de circulation", non pas par une carte d'identité normale.

    Henriette Asséo dans la Nouvelle République du Centre-Ouest (Loir-et-Cher) en date du 10/02/2007

     

     

     

     Dernière mise à jour de la page: le 22/12/2019

     

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    L'identité tsigane

     

     

    Henriette Asséo, EHESS

    Compte-rendu de la conférence du 27-04-2001

    Le vaste ensemble de l'univers tsigane - la romanipe , la manière tsigane de vivre -, ne correspond ni à des frontières territoriales précises ni aux enchevêtrements actuels du mouvement des nationalités. Pourtant, quel que soit le type de société, une sorte de principe d'extraterritorialité mentale semble entourer la famille tsigane dans ses rapports avec autrui, et cette arrogance apparente suscite une profonde incompréhension.

    S'il existe une manière commune aux Tsiganes de voir le monde, leur univers est marqué par la diversité que reflète les variations multiples sur leurs noms.
    On peut distinguer des dénominations externes, imposées dès la fin du Moyen-Age  : 

    • Le nom de Tsigane est dérivé de celui, en grec, d'une secte connue en Asie Mineure, au XIème siècle, les Athingani , devenu Cingani en Europe Orientale, Zingari en Italie ou Zigeuner en Allemagne. On ne sait pour quelle raison on leur attribua ce nom. Mais la présence des Tsiganes est clairement attestée à Constantinople en 1150. Une longue implantation dans l'Empire byzantin a soumis leur langue à une influence importante du grec.
    • En Europe occidentale, ils reçurent d'abord le nom d' Egyptiens , parce qu'ils disaient expier par un pélerinage de part le monde une apostasie provoquée par la poussée des Sarrazins au sud du Péloponnèse en une région dite de "Petite Egypte". Ceci a donné Gyspsies en Angleterre ou Gitanos en Espagne.
    • Le terme de Bohémiens est dû au prestige des lettres de protection accordés à la même époque aux conducteurs qualifiés de " duc ou comtes de Petite Egypte de "ménages" égyptiens par les princes de cette région, en fait Rois de Hongrie, Prince de Bohême et de Pologne. Ils furent même traités par un chroniqueur perplexe de "Bohémiens Sarrazins de Petite Egypte"
    • La qualification fortement péjorative de Romani ou Romanichel n'apparaît qu'au XIXème siècle et provient sans doute de la déformation de Romani Tchave (les gars tsiganes).

    Les dénominations internes au monde tsigane sont plus complexes  : 

    • Si la parenté entre la langue romani et le hindi ne fait aucun doute, les Tsiganes n'ont pas gardé le souvenir d'une patrie indienne d'origine. La référence à l'Inde est une construction intellectuelle récente. Par contre, pour se distinguer entre eux, les Tsiganes font souvent référence à leur région où leur famille a le plus longtemps séjourné - ce qui correspond à la distribution des variantes dialectales de la langue romani .
    • Les familles peuvent ainsi se reconnaître entre : 
      • Les Roma ou Rom , venus depuis le XIXème siècle d'Europe centrale et orientale. Ils adjoignent à leurs noms souvent des distinctions régionales, religieuses ou professionelles souvent caduques  :  les Rom Kalderash, Lovara ou Tchurara furent, en d'autres temps, chaudronniers, marchands de chevaux ou fabricants de tamis. Les Xoraxane Roma sont des Roms musulmans venus par exemple de Macédoine.
      • Les Sinte ou Sinti sont établis en Europe occidentale depuis le XVème siècle. Ces derniers emploient en France le terme de Manus (Manouches).
      • Les Gitans et les Catalans , très tôt sédentaires, appartiennent au monde ibérique ou au sud de la France. Leur présence date aussi de la fin du Moyen-Age.
      • Il existe aussi les Yenishes qui se désignent simplement comme Voyageurs .

    La maîtrise de la langue est la pierre de touche de la dénomination familiale, les relations entre parents et enfants s'expriment toujours en romani , même si une certaine déperdition du vocabulaire réduit son usage quotidien. Car ainsi que l'écrit Patrick William :  " toutes les communautés tsiganes ont à affronter le même problème  :  comment construire et maintenir une autonomie dans une situation d'immersion et pour la majorité d'entre elles de dispersion?".
    Patrick William et quelques autres, Leonardo Piasere, Alain Reyniers, Michael Stewart, Bernard Formoso, ont mis en évidence la variabilité et l'inventivité des systèmes familiaux tsiganes. Ainsi en est-il des mariages. Par exemple, les Manouches des Vosges ne pratiquent pas d'endogamie stricte mais plutôt des "réenchainement d'alliances" qui font se retrouver dans un lacis dense de relations sociales les membres de familles alliées qui voyagent entre les Pays-Bas et le sud de la France. En cela ils répètent un jeu d'alliances établi depuis l'époque de leur implantation dans les Vosges du Nord entre la Révolution et le second empire.
    Le chercheur peut effectivement reconstituer l'ancienneté de ces réseaux matrimoniaux à l'aide des registres de l'état civil ancien mais la mémoire généalogique des Tsiganes ne s'exerce pas différemment de celle des autres. Elle ne retient que le souvenir de deux ou trois générations antérieures. C'est pourtant bien à partir de ces localités vosgiennes (Reipertswiller, Lihtenberg, Baerenthal, Wimmenau ou Wingen) que s'amorça depuis le début du XIXème siècle un lent redéploiement des Sinte en Europe occidentale.

    Les tsiganes de France sont donc issus de trois périodes d'enracinement  : 

    • L'ancien régime par l'arrivée des Ducs et Comtes de Petite Egypte, devenus par les protections royales et seigneuriales des "capitaines de Bohémiens" employés dans les guerres privées et extérieures. Ces familles se sont ruralisées au XIXème siècle, en demeurant fidèles à leur région initiale d'implantation.
    • De 1770 à la fin du XIXème siècle, on assista à un redéploiement en France et dans les Nouveaux Mondes des familles établies en Allemagne, en Alsace et dans les Vosges du Nord.
    • De 1860 à 1930, une nouvelle migration fut provoquée par la libération progressive des liens de servage domaniaux en Europe centrale, balkanique et orientale. Ce qui entraîna la mise ne route de familles, dites selon les sources "hongroises" ou "bosniaques" ou " russes ou "albanaises" ou "moldo-valaques", dotées de passeports collectifs autrichiens ou turcs, et très exotiques. Cette "invasion" imaginaire a nourri la crainte du "péril errant" à l'origine de la loi de 1912.

     

    http://66.249.93.104/search?q=cache:u7DycMSfNtEJ:barthes.ens.fr/clio/revues/AHI/articles/preprints/asseo.html+tsigane&hl=fr&lr=lang_fr

     

    Liens :

    Le principe de circulation et l'échec de la mythologie transeuropéenne, par Henriette ASSÉO : http://revue-de-synthese.eu/doc/RS_2002_085-110.pdf

     

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