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Cathy, 53 ans, s'est émancipée du patriarcat gitan de Saint-Jacques.
Publié le 27/09/2021 à 18:35 , mis à jour à 18:51Née Gitane, mariée de force à un Gitan catalan dont elle a divorcé, Cathy croque aujourd'hui à pleines dents une vie à l'européenne. Mère de famille et grand-mère à 53 ans, la coquette Perpignanaise travaille, conduit une voiture, s'initie au vélo et à l'accrobranche, bravant courageusement les interdits culturels d'une communauté dont elle porte fièrement l'accent. Une parole libérée, des actes concrets l'ont transformée en égérie des femmes du quartier Saint-Jacques de Perpignan.
Maquillée de nude, parfumée de frais, élégante en jupe noire et chemisier rouge fleuri, Cathy (prénom d'emprunt) est une femme gitane libérée. "Je me suis mariée à 25 ans, j'étais très vieille et à la base je ne voulais pas d'un Gitan mais j'y ai été obligée, je ne l'aimais pas", a toujours su la jeune femme à l'époque de ses noces. Deux enfants plus tard, "j'étais à la maison pour faire le ménage, m'occuper des petits, préparer le manger et je travaillais parce que lui ne voulait rien faire d’autre que boire et se droguer".
Surtout, Cathy refuse déjà les codes imposés à la gent féminine par une communauté patriarcale qu'elle défend sinon farouchement. "Jusqu'à 15 ans, chez nous, tu peux faire ce que tu veux, porter des pantalons, des jeans, te faire belle, sentir bon... Après, à l'âge où les "payos" (les non Gitans, NDLR) font leur crise d'adolescence, toi tu te maries, tu restes à la maison, tu pèses deux cents kilos, tu t'habilles en noir jusqu'aux pieds et tu ne te soucies pas trop de l'hygiène pour ne pas que ton homme te soupçonne de lui être infidèle." A ce rythme, Cathy craque vite. Les hamburgers, pizzas et sodas sucrés à longueur de journée, assise sur une chaise à se gaver entre deux de paquets entiers de pipas, ce n'est pas pour elle. Elle choisit de divorcer. "C'était la honte, il y a dix, douze ans personne n'osait se séparer, mais moi j'étouffais, alors je n'ai pas hésité à prendre mon indépendance".
À l'âge des crises d'ado, la Gitane se marie, reste à la maison, pèse 200 kilos et s'habille en noir jusqu'aux pieds
Sans le soutien de sa famille ni celui de la communauté, "chez les Gitans, les intelligents ce sont les hommes, nous les femmes on n'est rien !, persifle-t-elle. Cathy décroche un CDI à temps plein d'agent d'entretien dans la restauration et loue un appartement où elle va élever ses deux enfants, une fille, un garçon. Après un cap difficile à passer, "je me suis fait des amis non gitans, des collègues, je suis descendue en ville prendre un café en terrasse, déjeuner ou dîner, j'ai passé mon permis de conduire et j'ai acheté une voiture."
La Perpignanaise s'épanouit et retrouve sa silhouette d'antan. "La majorité des hommes gitans veulent des mères pas des femmes, moi je voulais être les deux et je pense avoir plutôt réussi", se réjouit la quinquagénaire qui se lance désormais dans le sport. Initiation au vélo, "mon cardiologue m'a dit que c'était bon pour le cœur", et à l'accrobranche, pour commencer. "J'aimerais découvrir d'autres activités mais je fais attention à ne pas dépasser certaines limites. Si par exemple je prenais des cours de danse, ma famille me tuerait", assure Cathy qui s'interdit encore quelques rêves. Partir seule en croisière, visiter Israel, revoir vivre Saint-Jacques comme autrefois. "Ce quartier, c'est devenu tout et n'importe quoi. La drogue y a toujours existé mais, avant, tout le monde se connaissait, il n'y avait pas de problèmes. Aujourd'hui, Saint-Jacques attire beaucoup de clandestins, de nouvelles bandes qui se "tuent" entre elles". Conséquences, "on ne fait plus confiance à personne, on ferme nos portes à clés."
La riveraine aspire également à renouer avec un Saint-Jacques réhabilité dans l'esprit et dans les faits. "Ici, le seul travail imaginable c'est d'être employé à la mairie ou d'attendre le 6 du mois pour aller chercher son argent des allocations ! Mais non nous, ce qu'on veut, c'est aider les jeunes à entrer dans l'apprentissage, les plus âgés à remettre aux goûts du jour des métiers comme la ferraille."
Au nom des mamans gitanes, Cathy plaide pour une maison de quartier où les femmes seraient alphabétisées, initiées à la couture, à l'hygiène, à la prévention santé en matière de contraception, de diabète, d'obésité. "Le premier cluster de Perpignan nous a touchés parce que la communauté était déjà fragilisée par des pathologies graves" rappelle l'habitante, heureuse de concilier sa vie de Gitane à l'existence d'une Perpignanaise du XXIè siècle. "Pour rien au monde je ne reviendrai en arrière. Quand tu as goûté à la liberté, tu ne peux plus être enchaînée", persiste Cathy.
In, L'Indépendant en date du 27 septembre 2021, un article de Corine SabouraudCette page a été mise à jour dernièrement
le 15 février 2023
2 commentaires -
Les Bohémiens
Portrait sur le site Itineraire-gaston-coute.com
Les Bohémiens, les mauvais gas
Se sont am’nés dans leu’ roulotte
Qui geint d’vieillesse et qui cahotte
A la queu’ d’un ch’val qui n’ va pas ;
Et, pour fair’ bouilli’ leu’ popote,
Nos biens ont subi leu’s dégâts.Ah ! mes bonn’s gens ! J’ai ben grand’peine !
Ces gueux d’ Bohémiens m’ont volé :
Un tas d’ bourré’s dans mon bois d’ chêne,
Un baiscieau d’ gerb’s dans mon champ d’blé,
Mais c’est pas tout ça qui m’ caus’ si grand’ peine ! …Au mitan de c’tte band’ de loups
S’ trouvait eun’ garce si jolie
Avec sa longu’ criniér’ fleurie
Comme un bouquet de soucis roux ;
Si joli’ que je vous défie
D’en trouver eun’ pareill’ cheu nous.Ah ! mes bonn’s gens ! J’ai ben grand’peine !
Pasque ces Bohémiens d’ malheur
Qu’ont pillé mon bois et ma plaine
Ont encore emporté mon coeur.
Et c’est surtout ça qui m’ caus’ si grand’peine !Les Bohémiens, les mauvais gas,
Sont repartis dans leu’ roulotte
Qui geint d’ vieillesse et qui cahotte
Au derriér’ d’un ch’val qui n’ va pas ;
Et la bell’ qui fait leu’ popotte
F’ra p’têt’ cuir’ mon coeur pour leu’ r’pas.Ah ! mes bonn’s gens ! J’ai ben grand’peine !
J’ veux qu’i’s m’ volent tout les Bohémiens
Mais qu’i’s dis’nt à la Bohémienne
Qu’à m’ rend’ mon coeur qu’i’ y’ appartient,
Ou sans ça j’mourrai d’avoir si grand’ peine ! …Gaston Couté
Vu sur Poetica.fr : https://www.poetica.fr/poeme-1664/gaston-coute-les-bohemiens/
Gaston Couté 1880-1911
Poète libertaire et chansonnier français, connu pour ses textes antimilitaristes, sociaux et anarchistes utilisant parfois le patois beauceron ou l'argot. (lu sur Wikipédia en date du 26 janvier 2023)
Liens :
* Les chans'niers, un' pell'tée sul' sit des Fils du Vent Sans Pays, cam'rads voye'geurs : http://filsduvent.kazeo.com/search?q=chansonnier
* Gaston Coûté, séduit par une Tzigane, pas étonnant : http://filsduvent.kazeo.com/beauté-des-Gitanes-et-des-Tsiganes-a121150642
* Le site Poetica.fr d'où est extrait ce poème : https://www.poetica.fr/
* En savoir davantage sur le poète et chansonnier Gaston Coûté :
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